L'adhésion forcée à une association de commerçants est nulle
Cass. 1e civ. 27-9-2017 n° 16-19.878
Les statuts d'une association de commerçants d'un centre commercial qui imposent aux commerçants d'y adhérer violent le principe de liberté d'association, si bien que leur adhésion est nulle. Cette violation engage la responsabilité de l'association.
Un bail portant sur des locaux situés dans un centre commercial oblige le locataire à adhérer à l'association des commerçants du centre (régie par la loi de 1901). Une quinzaine d'années après avoir adhéré à cette association, le locataire cesse d'en régler les cotisations. Il soutient que, son adhésion ayant été forcée, elle est nulle. Il demande en conséquence à l'association le remboursement de l'ensemble des cotisations qu'il lui a versées (près de 145 000 €).
La Cour de cassation estime que cette demande doit être accueillie : l’association ne produit aucun bulletin d'adhésion et le seul paiement des cotisations pendant plusieurs années ne constitue pas l’expression d’une volonté libre d'adhérer ; les statuts de l'association, qui imposent au locataire d'adhérer pendant la durée du bail sans possibilité de se retirer, méconnaissent les principes consacrés par les articles 4 de la loi de 1901 (« tout membre d'une association peut s'en retirer en tout temps, après paiement des cotisations échues et de l'année courante, nonobstant toute clause contraire ») et 11 de la convention européenne des droits de l'Homme (« toute personne a droit à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d’association »).
Reprochant à l'association de l'avoir contraint à y adhérer, le locataire lui avait aussi demandé des dommages-intérêts pour faute (C. civ. art. 1240, ex-art. 1382). Une cour d'appel avait rejeté cette demande en retenant que la faute de l'association n'était pas caractérisée, l'obligation d'adhérer résultant de la seule qualité de locataire d'un local exploité dans le centre commercial.
La Cour suprême censure l'arrêt d'appel : la méconnaissance par l'association de la liberté fondamentale du locataire de ne pas adhérer constitue une faute civile ouvrant droit à réparation sur le fondement de l'article 1240 précité.
A noter : Le principe selon lequel nul n'est tenu d'adhérer à une association ou d'en demeurer membre sauf lorsque la loi en dispose autrement a déjà été affirmé (Cass. ass. plén. 9-2-2001 n° 468). En outre, la clause du bail imposant au locataire d'adhérer et à maintenir son adhésion pendant la durée du bail est entachée d'une nullité absolue (Cass. 3e civ. 12-6-2003 n° 698). Toutefois, les parties au contrat annulé devant être remises dans leur situation initiale, les cotisations perçues par l'association doivent être restituées sous déduction de la valeur des prestations fournies au locataire, cette valeur étant librement estimée par les juges du fond (Cass. 3e civ. 23-11-2011 n° 10-23.928).