Critères d'appréciation de la proportionnalité de l'engagement de caution d'un dirigeant
Cass. Com. 8 septembre 2015 n° 14-13.093 – Cass. Com. 22 septembre 2015 n° 14-22.913
Cass. Com. 22 septembre 2015 n° 14-17.100 – Cass. Com. 29 septembre 2015 n° 13-24.568
La Cour de Cassation confirme une nouvelle fois que le bénéfice escompté de l’opération garantie ne doit pas être pris en compte pour apprécier la proportionnalité de l’engagement de la caution, et apporte de nouvelles précisions sur l’appréciation de l’endettement de la caution et sa capacité à exécuter son engagement.
En matière de caution, l’article L. 341-4 du Code de la consommation stipule que « un créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à ses obligations ».
La Cour de Cassation vient de se prononcer sur l’application de ces dispositions dans plusieurs affaires assez proches concernant des dirigeants qui, cautions du remboursement de prêts bancaires accordés à leurs sociétés, étaient poursuivis en exécution de leurs engagements après la mise en redressement ou en liquidation judiciaire de celles-ci.
La Cour de Cassation rappelle tout d’abord que la proportionnalité de l’engagement d’une caution ne peut pas être appréciée au regard des revenus escomptés de l’opération garantie (Cass. Com. 22 septembre 2015 n° 14-22.913). Le succès escompté de l’opération commerciale financée ne doit donc pas être pris en compte.
A ce titre, lorsqu'un dirigeant cautionne les engagements de la société qu'il gère, le créancier professionnel qui cherche à se prémunir contre une éventuelle défaillance de son débiteur sait qu'il ne fera appel à lui que si la société est défaillante, société dont le gérant tire justement ses revenus. Et en cas de défaillance de l'entreprise, le dirigeant ne perçoit plus ces revenus. Il y aurait donc une certaine incohérence, pour apprécier le caractère proportionné ou non de l'engagement, à vouloir prendre en compte de tels revenus, dont on sait par hypothèse qu'ils auront disparu si la caution est appelée.
S’agissant de l’appréciation de l’endettement global de la caution, la Cour de Cassation avait déjà précisé que les autres garanties personnelles consenties par la caution ne doivent être prises en compte que dans la mesure où elles existaient déjà lors de la conclusion du cautionnement contesté (Cass. com. 12-3-2013 n° 11-29.030) et que le créancier en avait connaissance soit par les déclarations de la caution soit parce qu’il en était le bénéficiaire (CA Versailles 5-2-2015 n° 13/02658).
Elle précise en outre que le fait que ces autres garanties auraient été déclarées elles-mêmes disproportionnées, postérieurement à la conclusion de l’engagement de caution dont la disproportion éventuelle est analysée, demeure sans effet sur ladite analyse (Cass. Com. 29 septembre 2015 n° 13-24.568). La précision est inédite : si le cautionnement disproportionné est privé d’effets, il n’est pas pour autant nul (Cass. 1ère Civ. 22-10-1996 n° 94-15.615), de sorte qu’il ne disparaît pas rétroactivement. En toute logique, il doit donc être pris en compte dans l’endettement global de la caution pour apprécier la disproportion potentielle d’un cautionnement postérieur.
En revanche, les engagements postérieurs à celui contesté n’ont pas à être retenus, et le juge n’est donc pas tenu de rechercher l’existence prévue ou prévisible de cautionnements futurs, fussent-ils pris, aux yeux de la caution, dans le cadre du financement d’une opération globale (Cass. Com. 22 septembre 2015 n° 14-17.100).
Enfin, la Cour de cassation vient préciser que si l’ensemble des cautionnements consentis par la caution est bien pris en compte pour apprécier la disproportion initiale du cautionnement appelé (dans la mesure où ils sont antérieurs à celui-ci), ils n’entrent pas en ligne de compte pour évaluer la capacité de la caution à honorer ce seul cautionnement (Cass. Com. 8 septembre 2015 n° 14-13.093).