Vers la fin de l’obligation de sécurité de résultat ?
Cass. soc. 25-11-2015 n° 14-24.444
L’employeur justifiant avoir pris les mesures imposées par le Code du travail en matière de sécurité ne peut pas être condamné pour manquement à son obligation de protéger la santé des salariés, vient de décider la Cour de cassation, infléchissant ainsi sa jurisprudence.
La chambre sociale de la Cour de cassation considère depuis 2002 que l’employeur est tenu envers le salarié d'une obligation de sécurité de résultat. Dès lors que le risque d’atteinte à la santé ou à la sécurité du salarié est avéré, il peut donc être condamné à verser des dommages et intérêts pour manquement à cette obligation. Jugé ainsi notamment en matière de maladies professionnelles (Cass. soc. 28-2-2002 no 00-11.793), de tabagisme passif (Cass. soc. 29-6-2005 no 03-44.412) ou encore de harcèlement moral (Cass. soc. 21-6-2006 no 05-43.914).
Mais dans son arrêt du 25 novembre 2015, la Haute Cour admet désormais la possibilité pour l’employeur de s’exonérer de sa responsabilité, rejetant ainsi toute condamnation systématique.
En l’espèce, un salarié, chef de cabine sur les vols long-courriers dans une compagnie aérienne, avait été pris d’une crise de panique en 2006, alors qu’il partait rejoindre son vol, ce qui avait conduit à un arrêt de travail. Le salarié concerné avait finalement été licencié en 2011, pour ne pas s’être présenté à une visite médicale au cours de laquelle le médecin du travail devait se prononcer sur son reclassement au sol.
Dès 2008, le salarié avait saisi le conseil de prud’hommes d’une demande de condamnation de son employeur pour manquement à son obligation de sécurité de résultat. Selon lui, témoin des attentats du 11 septembre 2001 à New-York, la crise de panique dont il a été victime en 2006 résultait de cet événement traumatisant dont les conséquences n’avaient pas été assez suffisamment prises en charge par l’employeur. Il invoquait notamment l’absence de suivi psychologique et de proposition d’un entretien individuel à son retour en France après les attentats, et le fait que l’employeur aurait dû prendre ces mesures de lui-même, sans qu’il n’eût à les demander.
La cour d’appel a rejeté la demande de l’intéressé en relevant que l’employeur avait réagi correctement au stress post-traumatique. En effet, il avait fait accueillir, au retour de New-York le 11 septembre 2001, le salarié et tout l’équipage par l’ensemble du personnel médical mobilisé pour assurer une présence jour et nuit et orienter éventuellement les intéressés vers des consultations psychiatriques. Les juges ont par ailleurs constaté que le salarié a été déclaré apte à 4 reprises lors de visites médicales entre 2002 et 2005 et qu’il a exercé ses fonctions sans difficulté jusqu’en avril 2006. Enfin, les éléments médicaux produits, datés de 2008, ne présentaient pas de lien avec les événements du 11 septembre 2001.
La Cour de cassation confirme cette décision. Elle déduit de ces éléments que l’employeur, ayant pris toutes les mesures prévues par les articles L 4121-1 et L 4121-2 du Code du travail, n’a pas méconnu l’obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
L’employeur peut donc s’exonérer de sa responsabilité s’il démontre avoir respecté les règles imposées par le Code du travail en matière d’hygiène et de sécurité, c’est-à-dire notamment avoir mis en place des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail, des actions d'information et de formation des salariés ainsi qu’une organisation et des moyens adaptés, en respectant les principes généraux de prévention (éviter les risques, évaluer ceux qui ne peuvent pas être évités, remplacer ce qui est dangereux par ce qui n’est pas dangereux, etc.).
En cas d’atteinte à la santé ou à la sécurité d’un salarié, l’employeur ne sera donc plus systématiquement condamné, dès lors qu’il pourra démontrer qu’il a pris toutes les mesures nécessaires pour préserver cette santé et cette sécurité. La Cour de cassation entend-elle substituer une obligation de moyens renforcée à l’obligation de sécurité de résultat? Telle est la question qui se pose aujourd'hui. On attend donc avec intérêt ses prochaines décisions en la matière.