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Illustration de faute de gestion entraînant la condamnation d'un dirigeant à combler le passif

CA Paris 22 octobre 2015 n° 14/26208, ch. 5-9, D. c/ SELARL Archibald ès qual. Cass. com. 13 octobre 2015 n° 14-15.755

Le non-respect de la procédure légale prévue en cas de perte de plus de la moitié du capital social peut constituer une faute de gestion du dirigeant justifiant sa condamnation à combler le passif social.

Les dirigeants d'une société en liquidation judiciaire peuvent être condamnés à supporter tout ou partie de l'insuffisance d'actif, s'ils ont commis une faute de gestion ayant contribué à l'insuffisance d'actif (C. com. art. L 651-2).

I. Malgré la perte de plus de la moitié du capital social (capitaux propres négatifs de 148 000 € environ pour un capital social de 8 000 €), le gérant d'une SARL mise ultérieurement en liquidation judiciaire n'avait pas convoqué les associés afin qu'ils se prononcent sur la poursuite éventuelle de l'activité, conformément à l'article L 223-42, al. 1 du Code de commerce.

Jugé que cette inaction constituait une faute de gestion ayant contribué à aggraver le passif social, ce qui justifiait la condamnation du gérant à contribuer à l'insuffisance d'actif.

II. Dans une autre affaire où les capitaux propres d'une SA étaient également devenus inférieurs à la moitié du capital social, le dirigeant avait convoqué l'assemblée générale qui s'était prononcée pour la poursuite de l'activité mais les capitaux propres étaient demeurés négatifs car aucune recapitalisation n'avait été effectuée.

Jugé que cette absence de régularisation de la situation des capitaux propres dans le délai légal de deux ans (art. L 223-42, al. 2) était imputable aux actionnaires et non à une décision du dirigeant ; elle ne constituait donc pas une faute de gestion susceptible de fonder une condamnation du dirigeant à combler le passif.

A noter : 1° En l'absence de définition légale de la faute de gestion, les tribunaux apprécient au cas par cas si tel acte de gestion est fautif en fonction des circonstances propres à chaque affaire. Certains comportements sont toutefois régulièrement sanctionnés, ce qui est le cas des infractionsaux dispositions du droit des sociétés. 
Ont par exemple été qualifiés de faute de gestion le fait pour un dirigeant de ne pas avoir respecté les obligations légales de tenue d'assemblées générales et d'établissement des comptes annuels (Cass. com. 31-1-1995 n° 92-21.548) ou l'absence de convocation de l'assemblée générale des associés pour prendre une décision sur la reconstitution des capitaux propres dans le délai légal après que l'assemblée avait décidé de poursuivre l'activité de la société malgré la perte de la moitié du capital social (Cass. com. 11-6-1996 n° 93-18.308 D).
Mais ne peuvent être reprochées au dirigeant que des décisions qui relèvent de ses attributions. C'est la raison pour laquelle, dans la seconde affaire, le dirigeant n'a pas été condamné car l'abstention reprochée ne pouvait pas lui être imputée en sa qualité de dirigeant.
2° Dans la première affaire, le liquidateur judiciaire demandait que le gérant, qui avait en outre omis de déclarer la cessation des paiements dans le délai légal et de déposer les comptes annuels, soit condamné à supporter l'insuffisance d'actif de la société à hauteur de 210 000 €. Mais relevant que le gérant avait été par ailleurs condamné à verser 100 000 € à un créancier social en sa qualité de caution des dettes de la société, la cour d'appel a limité la condamnation à 28 500 €, somme correspondant à l'augmentation du passif entre la date de cessation des paiements de la société et l'ouverture de la procédure collective.