Une clause d’indexation qui exclut la révision du loyer commercial à la baisse est nulle
Cass. 3e civ 14 janvier 2016 n° 14-24.681
Pour la première fois, la Cour de cassation affirme le principe selon lequel une clause d'indexation d'un bail qui exclut la réciprocité de la variation et stipule que le loyer ne peut être révisé qu'à la hausse est nulle.
La Cour de cassation vient de juger qu’une clause d'indexation qui exclut la réciprocité de la variation et stipule que le loyer ne peut être révisé qu'à la hausse est nulle.
Elle a en conséquence validé une décision de la cour d’appel de Paris qui avait jugé non écrite la clause d’un bail commercial qui prévoyait que le loyer serait ajusté automatiquement, pour chaque période annuelle, en fonction des variations de l'indice du coût de la construction, à la date anniversaire de la prise d'effet du bail sur la base de l'indice du même trimestre et qui précisait dans son dernier paragraphe : « La présente clause d'échelle mobile ne saurait avoir pour effet de ramener le loyer révisé à un montant inférieur au loyer de base précédant la révision ». En effet, cette clause excluait, en cas de baisse de l'indice, l'ajustement du loyer prévu pour chaque période annuelle en fonction de la variation de l'indice publié dans le même temps. Or, le propre d'une clause d'échelle mobile est de faire varier le loyer à la hausse et à la baisse ; en écartant toute réciprocité de variation, la clause litigieuse faussait le jeu normal de l’indexation.
Le bailleur avait en outre soutenu que la clause concernée pouvait être appliquée en faisant abstraction du paragraphe excluant la révision du loyer à la baisse et que, seul ce paragraphe étant nul, les augmentations de loyer qu’il avait pratiquées en fonction des variations de l’indice à la hausse étaient valables.
La Cour de cassation a rejeté cet argument. L’exclusion de l’ajustement à la baisse étant un élément essentiel de la clause d’indexation voulue par les parties, la cour d'appel avait pu la réputer non écrite dans son entier.
Par suite, le bailleur a été condamné à restituer les sommes correspondant aux augmentations de loyer qu’il avait pratiquées en application de la variation de l’indice.
A noter : 1° Solution de principe retenue pour la première fois par la Cour de cassation. L’exclusion de la révision du loyer à la baisse se rencontrant souvent dans les baux commerciaux, la solution a une grande portée pratique.
Les juges du fond avaient majoritairement admis cette solution (en dernier lieu, CA Versailles 13-3-2015 n° 13/08116), mais certaines juridictions avaient validé des clauses excluant la variation du loyer commercial à la baisse (notamment, CA Douai 21-1-2010 n° 08/08568).
2° L’article L 112-1, al. 1 du Code monétaire et financier, qui est d’ordre public, interdit l’indexation automatique des prix des biens et des services et n’admet la validité des clauses d’indexation (ou clauses d’échelle mobile) que par dérogation. En matière de baux commerciaux, la validité de ces clauses résulte de l’article L 145-39 du Code de commerce, qui pose en outre l’exigence de la réciprocitéde la variation. En effet, cet article prévoit la faculté de réviser le loyer, « si le bail est assorti d’une clause d’échelle mobile (…) chaque fois que, par le jeu de cette clause, le loyer se trouve augmenté ou diminué de plus d’un quart par rapport au prix précédemment fixé ». La réciprocité est de l’essence même de la clause d’indexation, qui a pour objet de protéger les parties contre les risques de variation de la valeur de la monnaie de paiement et d’éviter le déséquilibre qui en résulterait pour l’une d’elles.
Par ailleurs, l’article L 112-1, alinéa 2 du Code monétaire et financier répute non écrite toute clause d'un contrat à exécution successive, et notamment des baux et locations de toute nature, prévoyant la prise en compte d'une période de variation de l'indice supérieure à la durée s'écoulant entre chaque révision. C’est sur cette disposition que la cour d’appel de Paris s’était en l’espèce fondée pour dire non écrite la clause litigieuse. En effet, en cas de blocage du loyer en raison d’une variation de l’indice à la baisse, une distorsion se produisait nécessairement entre la période de variation de l’indice et la durée s’écoulant entre deux révisions. La Cour de cassation a préféré se placer sur le terrain de l'absence de réciprocité.
3° En retenant l’irrégularité de l’ensemble de la clause d’indexation et non de la seule stipulation empêchant la variation du loyer à la baisse, la Cour de cassation offre aux locataires dont les baux contiennent le même type de clauses d’indexation qu'en l'espèce la faculté de demander la restitution des sommes payées indûment en raison de la variation à la hausse de l’indice retenu. La Cour de cassation ayant affirmé le principe de la nullité de la clause, l’action du locataire sera à notre avis prescrite par 5 ans (C. civ. art. 2224). L’exception de nullité, qui est perpétuelle, pourra en outre toujours être invoquée par le locataire auquel le bailleur demanderait le paiement du loyer indexé en application d’une clause d’échelle mobile nulle.