Pas de décharge d'un cautionnement du défunt au motif que l'héritier l'a découvert tardivement
Cass. 1e civ. 4-1-2017 n° 16-12.293
L'héritier ayant accepté purement et simplement la succession ne peut être déchargé de son obligation à une dette successorale que s'il avait des motifs légitimes d'ignorer son existence lors de l'acceptation et si son paiement obèrerait gravement son patrimoine personnel.
Dans les successions ouvertes depuis le 1er janvier 2007, l’héritier ayant accepté une succession purement et simplement est protégé en cas de découverte tardive d’un passif important. Il peut demander en justice à être déchargé en tout ou partie de son obligation si les conditions suivantes sont réunies (C. civ. art. 786, al. 2) :
- au moment où il a accepté la succession, l’héritier avait des motifs légitimes d’ignorer la dette ;
- le paiement de cette dette aurait pour effet d’obérer gravement son patrimoine personnel.
Issue de la loi 2006-728 du 23 juin 2006 portant réforme des successions et des libéralités, cette atténuation au principe selon lequel l’héritier qui a accepté une succession de façon pure et simple est tenu de manière illimitée aux dettes et charges de la succession se trouve au cœur de l’affaire suivante.
Après avoir accepté purement et simplement la succession, un légataire universel est poursuivi par une banque qui lui réclame le paiement d’une somme résultant d’un engagement de caution souscrit de son vivant par le défunt.
Faisant valoir qu’il ignorait l’existence de cette dette lorsqu’il a accepté la succession, le légataire demande en justice à en être déchargé sur le fondement de l’article 786, alinéa 2 du Code civil. Il obtient gain de cause tant en première instance qu’en appel au motif qu’il n’a pas été informé de la créance revendiquée par la banque avant son acceptation pure et simple de la succession et que son consentement a été entaché d’une erreur substantielle sans laquelle il n’aurait pas accepté la succession, qui s’est trouvée déficitaire.
Censure de la Cour de cassation suite au pourvoi de la banque. En statuant ainsi, par un motif étranger aux conditions propres à décharger l’héritier de son obligation à la dette successorale, la cour d’appel a violé le texte précité.
Remarque
Au titre des « motifs légitimes » d’ignorer la dette que devait avoir l’héritier au moment de son acceptation pour obtenir une décharge, les travaux parlementaires ayant précédé l’adoption de la loi de 2006 ont notamment évoqué les cautionnements donnés par le défunt mais découverts tardivement faute d'une centralisation nationale de l'information sur l'ensemble des cautionnements donnés (Rapport AN n° 2850 du 8-2-2006 par S. Huyghe).
La première condition posée par l’article 786, alinéa 2 du Code civil paraissait ainsi satisfaite.
Mais, les juges d’appel ont manifestement oublié la seconde condition exigée par le texte : il doit être démontré que le paiement de la dette obèrerait gravement le patrimoine personnel de l’héritier. Etant précisé que « le montant de la dette ne doit donc pas être envisagé en lui-même mais dans son rapport avec le patrimoine de l’héritier » (F. Terré, Y. Lequette et S. Gaudemet : Droit civil. Les successions. Les libéralités Dalloz 4e éd. 2014 n° 918).
Autant dire que la cassation était ici inévitable et qu’elle doit être pleinement approuvée.