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Annulation de la vente d'actifs d'une société à ses dirigeants par personne interposée

Cass. com. 8-3-2017 n° 15-22.987

L’interposition est caractérisée lorsqu’une personne morale masque, de quelque manière que ce soit, la participation des dirigeants de la société débitrice à l’achat, peu important qu’ils ne soient ni dirigeants ni associés de cette personne morale.

Après la mise en liquidation judiciaire d’une société industrielle, ses actifs sont vendus aux enchères sur autorisation du juge-commissaire. Une société civile immobilière (SCI) est déclarée adjudicataire d’une ligne de production et de divers éléments corporels et incorporels. La vente est annulée pour violation de l’interdiction faite aux dirigeants de droit ou de fait d’une société en liquidation judiciaire de présenter directement ou par personne interposée une offre de reprise des actifs sociaux (C. com. art. L 642-3). La SCI conteste l’annulation, faisant valoir qu'aucun de ses dirigeants ou associés n’est un des dirigeants de la société en liquidation judiciaire.

La Cour de cassation rejette cet argument. L’interposition de personnes au sens du texte précité s’entend de l’intervention d’une personne morale qui masque, de quelque manière que ce soit, la participation des dirigeants de la société débitrice à l’opération d’acquisition.

Tel est le cas en l’espèce : les biens acquis par la SCI n’entrent pas dans son objet social ; elle n’a pas les moyens de financer l’opération ; une résolution de l’assemblée générale l’autorise à céder ces biens à un tiers ; en réalité, l’offre d’achat déposée par la SCI l’a été pour le compte d’une société tierce dont les dirigeants de la société en liquidation judiciaire sont respectivement président et associés.

A noter : La prohibition de l’article L 642-3 du Code de commerce, qui s’étend aux parents et alliés des dirigeants jusqu’au deuxième degré inclus, est destinée à moraliser les opérations de vente des biens d’une entreprise faisant l’objet d’une procédure collective. 

Elle vise les cessions d’actifs intervenant dans le cadre d’une sauvegarde, d’un redressement ou d’une liquidation judiciaire, que ce soit sous forme d’un plan de cession ou d’une cession isolée d’actifs autorisée par le juge-commissaire (art. L 642-3, al. 1 sur renvoi des art. L 626-1, al. 3, L 631-13, al. 1, L 642-20, al. 1). Le tribunal et le juge-commissaire peuvent toutefois autoriser des dérogations (art. L 642-3, al. 2 et L 642-20, al. 2).

La Cour de cassation définit ici pour la première fois l’interposition de personne. Elle retient une définition large : il n’est pas requis que les dirigeants de la société débitrice ou leurs proches aient des intérêts dans la société qui se porte acquéreur des actifs sociaux. Il n’est pas non plus nécessaire que la revente ait été réalisée, contrairement à ce que soutenait ici la SCI.
Pour un cas d’interposition d’une SARL constituée par les salariés dont certains s’étaient engagés à rétrocéder leur participation à l’ancien dirigeant de la société débitrice, voir Cass. com. 25-9-2012 n° 11-23.667.

Sauf cas de fraude, est en revanche valable l’offre d’achat présentée par un ancien dirigeant dont les fonctions au sein de la société débitrice ont cessé avant l'ouverture de la procédure collective (Cass. com. 23-9-2014 n° 13-19.713).