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Retrait d'une association de commerçants et participation aux frais de promotion du centre commercial

Cass. 3e civ. 11-10-2018 n° 17-23.211

Le locataire d'un local situé dans un centre commercial, obligé d'adhérer à une association de commerçants en vertu d'une clause nulle, mais pas de participer directement aux frais de promotion du centre, peut renoncer à son adhésion et cesser de payer ses cotisations.

Un bail de locaux dépendant d'un centre commercial prévoit la mise en œuvre de moyens collectifs pour assurer la promotion et l'animation du centre, le locataire s'engageant à prendre en charge les dépenses impliquées par la mise en œuvre de ces moyens « quelle que soit la forme et le cadre juridique de sa participation ». Le bail précise par ailleurs que cet engagement s'exécutera sous la forme de l'adhésion du locataire à l'organisme constitué pour mettre en œuvre ces moyens, quelle que soit sa nature juridique (« société commerciale, association, GIE ou autres »). Enfin, il ajoute que, en cas de retrait de l'organisme chargé de promouvoir le centre, le locataire reste tenu de régler sa participation financière à ces dépenses, soit sous la forme de la constitution d'un fonds marketing, si ce régime a été adopté, soit par une contribution au budget de fonctionnement de l'organisme, indépendamment de l'adhésion à celui-ci.

L'association de commerçant constituée dans ce cadre poursuit en paiement le locataire qui a renoncé à son adhésion et cessé de régler ses cotisations.

Sa demande est rejetée et la clause d'adhésion du locataire à l'association est annulée par la Cour de cassation, aux motifs suivants :

  • il résulte du contrat, d'une part, que le locataire ne s'est pas engagé à participer aux frais de promotion et d'animation du centre mais à adhérer à l'association de commerçants, d'autre part, que, en cas de retrait, le locataire reste tenu de régler sa participation financière aux dépenses engagées pour l'animation du centre ; en conséquence, ces dispositions contractuelles entravent la liberté de ne pas adhérer à une association ou de s'en retirer en tout temps et sont donc entachées de nullité absolue. Le locataire ne s'étant pas directement engagé à participer aux frais de fonctionnement de l'association, la demande en paiement des cotisations postérieures à son retrait doit être rejetée ; 
  • le paiement des cotisations résultait de l'adhésion à l'association, et le locataire avait renoncé à cette adhésion, de sorte que l'association n'avait plus à le faire participer aux opérations d'animation du centre commercial et que le locataire n'avait plus à payer les cotisations ; l'existence d'un éventuel profit tiré par le locataire des actions de l'association était sans influence.

A noter : La clause par laquelle l'exploitant d'un centre commercial oblige ses locataires à adhérer à une association chargée de gérer ce centre et d'y mener des actions commerciales, ou à en rester membre, est contraire au principe de la liberté d'association (Cass. ass. plén. 9-2-2001 n° 99-17.642) et entachée d'une nullité absolue sur le fondement de l'article 11 de la convention européenne des droits de l'Homme et de l'article 4 de la loi du 1er juillet 1901 (Cass. 3e civ. 12-6-2003 n° 02-10.778). Le locataire ne peut pas non plus être condamné, sur le fondement de l'enrichissement sans cause, à payer à l'association, pour la période postérieure au prononcé de la nullité et aussi longtemps qu'il exploitera le commerce, une somme équivalente aux cotisations qu'il aurait dû acquitter comme membre de l'association : une telle solution prive de toute effectivité la liberté du locataire de ne pas adhérer à l'association (Cass. 1e civ. 20-5-2010 n° 09-65.045). 

En l'espèce, le propriétaire tentait de contourner ces solutions en soutenant que le locataire s'était engagé, non pas – ou pas seulement – à adhérer à l'association de commerçants, mais également et surtout à participer directement aux dépenses de promotion dont il bénéficiait. Cette thèse faisait écho à la technique du « fonds marketing » développée par la pratique, dans le cadre de laquelle un fonds créé et géré par le propriétaire est affecté à la promotion et à l'animation du centre commercial, à charge pour les locataires de contribuer au fonctionnement de ce fonds pendant la durée des baux en réglant une charge supplémentaire. Interprétant souverainement le contrat, les juges du fond avaient cependant retenu que l'engagement du locataire de payer les dépenses de promotion était ici une conséquence de son adhésion à l'association : faute d'engagement direct, et compte tenu de la nullité de l'adhésion, la demande de paiement des cotisations ne pouvait pas aboutir. Tout dépend donc du dispositif contractuellement mis en place et la solution aurait été différente si l'obligation au paiement des dépenses de promotion avait pu être interprétée, compte tenu de la rédaction du contrat, comme une charge du bail.

Soulignons pour finir que la mise en place d'un fonds marketing, auquel le locataire contribue à titre de charge supplémentaire du bail, a des inconvénients pour le bailleur : en cas d'échec d'attractivité du centre commercial, les locataires pourraient se prévaloir de l'existence du fonds géré par le seul bailleur pour rechercher la responsabilité de ce dernier.