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Un mandataire liquidateur est un créancier professionnel au regard des règles sur le cautionnement

CA Paris 13-9-2018 n° 17/01621

Un cautionnement donné dans le cadre d’un plan de continuation doit comporter les mentions manuscrites prévues par le Code de la consommation, le liquidateur judiciaire étant considéré comme un créancier professionnel et le cautionnement ayant été donné par acte séparé du jugement.

Une procédure de sauvegarde puis de redressement judiciaire est ouverte à l’égard d’une société par actions simplifiée (SAS). Un an plus tard, le tribunal de commerce arrête un plan de redressement de l’entreprise sous condition du cautionnement du président à hauteur de 40 000 €, afin de garantir le paiement du passif restant dû en cas de résolution du plan. Le même jour, le président de la SAS signe l'acte de cautionnement. 

A la suite du prononcé de la liquidation judiciaire de la SAS avec résolution du plan, le liquidateur poursuit la caution. Celle-ci invoque alors la nullité du cautionnement pour absence des mentions manuscrites prévues en cas de cautionnement au profit d'un créancier professionnel (C. consom. art. L 331-1 et L 331-2 ; ex-art. L 341-2 et L 341-3). Le liquidateur prétend de son côté que ces dispositions sont inapplicables en l'espèce car il n'est pas un créancier professionnel et que, quoi qu'il en soit, l'exigence des mentions manuscrites concerne les cautionnements par acte sous seing privé et non ceux qui sont consignés dans un jugement.

La cour d'appel de Paris rejette ces arguments et annule le cautionnement pour les raisons suivantes.

  • Le Code de la consommation est applicable en l'espèce. En effet, un créancier professionnel est, selon l’article liminaire de ce Code, un créancier dont la créance est née dans l’exercice de sa profession ou se trouve en rapport direct avec l’une de ses activités professionnelles, même si elle n’est pas principale ; au cas particulier, les bénéficiaires du cautionnement sont les créanciers de la SAS figurant dans le plan de redressement, représentés par le mandataire judiciaire ; ce dernier, en qualité de mandataire judiciaire puis de commissaire à l’exécution du plan puis de mandataire liquidateur, remplit tous les critères de la définition du créancier professionnel donnée par la jurisprudence, les créances figurant dans le plan d’apurement du passif étant l’objet même de l’exercice de sa profession.
  • L’engagement de caution ne résulte pas du jugement arrêtant le plan de continuation et donc d’un acte authentique échappant à l'obligation des mentions manuscrites, dès lors que l’acte de cautionnement a été donné par acte séparé avant l’audience du tribunal, le montant de la somme cautionnée, 15 000 € à l’origine, ayant juste été modifié après l’audience pour correspondre au montant exigé par le plan (40 000 €). 

A noter La Cour de cassation a une interprétation extensive de la notion de créancier professionnel ; ainsi ont pu être considérés comme créancier professionnel un fournisseur de matériaux qui consent des délais de paiement à son client (Cass. com. 10-1-2012 n° 10-26.630), un prestataire de services (Cass. 1e civ. 25-6-2009 n° 07-21.506), un bailleur (Cass. 3e civ. 10-2-2015 n° 13-25.607), un fournisseur de viande de boucherie (Cass. com. 13-12-2017 n° 16-14.707) et même une association à but non lucratif (Cass. com. 27-9-2017 n° 15-24.895). C’est la première fois à notre connaissance qu’une cour d’appel donne cette qualification à un mandataire judiciaire représentant l’ensemble des créanciers figurant dans le plan de redressement.

Il a été jugé que l'engagement d’une caution, recueilli dans une décision judiciaire, est constaté dans un acte authentique, de sorte qu’il est dispensé de toute mention manuscrite (Cass. com. 14-6-2017 n° 12-11.644). Mais, au cas particulier, le cautionnement avait été donné par un acte séparé et n’avait pas été homologué par le jugement arrêtant le plan de redressement de la société.