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Des accords de commercialisation au sein d’une société commune peuvent constituer une entente illicite

Cass. com. 8-11-2016 n° 14-28.234

Des accords de commercialisation au travers d’une société commune portant sur la fixation des prix et une répartition du marché sont des ententes illicites si la création de cette société excède ce qui est nécessaire à l’entrée et au maintien de ses membres sur ce marché.

L’Autorité de la concurrence sanctionne des fournisseurs de farine pour avoir, durant plusieurs années, au travers de deux sociétés communes, participé à deux ententes anticoncurrentielles visant, dans le premier cas, à fixer le prix de la farine en sachets à l'égard de la grande distribution, à répartir les clients et à limiter la production de farine et, dans l’autre, à des pratiques similaires pour la farine en sachets vendue aux enseignes du hard discount (Décision n° 12-D-09 du 13-3-2012).

Saisie du litige, la cour d’appel de Paris considère au contraire qu’il ne peut pas être reproché aux fournisseurs d’avoir noué autour de ces sociétés communes une entente ayant un objet anticoncurrentiel. Ces fournisseurs ne pouvant pas formuler individuellement des offres crédibles aux distributeurs, ils se sont trouvés placés dans la nécessité de présenter des offres groupées, quel que soit le lieu de livraison, dans le cadre de structures de commercialisation commune, en elles-mêmes licites au regard des règles du droit de la concurrence, afin de mettre en œuvre puis de poursuivre une coopération leur permettant de répondre soit à la demande de points de vente, soit aux exigences des centrales d'achat de la grande distribution et des entreprises du hard discount.

La Cour de cassation censure l’arrêt d’appel. La cour d'appel, qui avait constaté que les modalités d'organisation et de fonctionnement des sociétés communes permettaient aux fournisseurs, actionnaires de ces sociétés, de pratiquer un prix unique pour la vente de farine en sachets à destination de la grande distribution et du hard discount et de se répartir les clients et volumes de livraison en fonction de zones géographiques préattribuées à chacun d'eux, aurait dû vérifier si la création et le mode de fonctionnement de ces structures de commercialisation commune n’excédaient pas ce qui était strictement nécessaire à l'entrée et au maintien des entreprises sur ces marchés.

A noter :  La notion de restriction de concurrence par objet doit s'interpréter « de manière restrictive ». Le critère juridique essentiel pour déterminer si un accord entre entreprises comporte une telle restriction de concurrence réside dans la constatation que cet accord présente, en lui-même, un degré suffisant de nocivité à l'égard de la concurrence de sorte que l'examen de ses effets n'est pas nécessaire (CJUE 11-9-2014 aff. 67/13, points 48 et 57). Le degré de nocivité suffisant de l’accord est défini eu égard « à la teneur de ses dispositions, aux objectifs qu'il vise à atteindre ainsi qu'au contexte économique et juridique dans lequel il s'insère », l'appréciation de ce contexte conduisant à « prendre en considération la nature des biens ou des services affectés ainsi que les conditions réelles du fonctionnement et de la structure du ou des marchés en question » (arrêt précité, point 53). 

Dans la présente affaire, il reviendra à la cour d’appel de Paris, autrement composée, de vérifier le caractère strictement nécessaire de l’atteinte à la concurrence (mise en œuvre d'un prix unique et répartition de clientèles et de volumes de livraisons) au regard du contexte économique et juridique dans lequel ces accords de commercialisation s’inséraient. 

La solution ci-dessus n'est pas sans rappeler les lignes directrices de la Commission européenne sur les accords de coopération horizontale aux termes desquelles « un accord de commercialisation ne doit normalement pas soulever de problèmes de concurrence s'il est objectivement nécessaire pour permettre à une partie de pénétrer sur un marché sur lequel elle n’aurait pu entrer individuellement ou avec un nombre plus limité de parties que celles prenant part effectivement à la coopération, par exemple en raison des coûts que cela implique. » (Communication 2011/C 11/01 du 14-1-2011 point 237).