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La résiliation de plein droit d’un contrat en cours doit être constatée par le juge-commissaire

Cass. com. 4-7-2018 n° 17-15.038

En cas de défaut de paiement des sommes dues au titre d’un contrat continué pendant la période d’observation, la résiliation de plein droit du contrat doit être constatée par le juge-commissaire. Celui-ci doit vérifier que le non-paiement résulte d’un manque de moyens.

Dans le cadre d’une sauvegarde ou d’un redressement judiciaire, l’administrateur judiciaire - ou s’il n’en a pas été désigné, le débiteur sur avis conforme du mandataire judiciaire - peut exiger la poursuite d’un contrat en cours, à condition de fournir au cocontractant la prestation promise (C. com. art. L 622-13, II). A défaut de paiement et d’accord du cocontractant pour poursuivre la relation contractuelle, le contrat est résilié de plein droit (art. L 622-13, III-2°). La résiliation est constatée, à la demande de tout intéressé, par le juge-commissaire qui fixe la date de la résiliation (art. R 622-13).

Un boulanger fait l’objet d’une procédure de sauvegarde sans désignation d’un administrateur. Il exige, avec l’accord du mandataire judiciaire, la poursuite du contrat de location qui porte sur son matériel d'exploitation mais il cesse de payer les loyers au bout de quelques mois. Après l’adoption du plan de sauvegarde, la société de location adresse au boulanger un commandement de payer visant la clause résolutoire prévue par le contrat mais le boulanger ne s’exécute pas. La société lui réclame en conséquence le paiement de l’arriéré de loyers, l’indemnité contractuelle de résiliation et la restitution du matériel.

Le boulanger soutient alors que le contrat a été résilié, non pas à la date de la mise en œuvre de la clause résolutoire, mais de plein droit à la date du premier loyer impayé, même si le juge-commissaire n’a pas constaté la résiliation. Cette dernière étant survenue au cours de la période d’observation avant l’adoption du plan de sauvegarde, la société de location devait déclarer sa créance d’indemnité de résiliation et ne pouvait obtenir la restitution du matériel que dans le cadre d’une action en revendication.

Arguments rejetés. En application des articles L 622-13, III-2° et R 622-13, lorsque ne sont pas payées à leur échéance, au cours de la période d'observation, des sommes dues en vertu d'un contrat dont la continuation a été décidée, et à défaut d'accord du cocontractant pour poursuivre les relations contractuelles, la résiliation de plein droit de ce contrat doit, à la demande de tout intéressé, être constatée par le juge-commissaire qui en fixe la date, après avoir vérifié que l’absence de paiement est justifiée par la constatation que l’administrateur ne dispose plus des fonds nécessaires pour remplir les obligations nées du contrat. Le boulanger avait cessé de régler les échéances du contrat dont il avait décidé, après avis conforme du mandataire judiciaire, de continuer l’exécution ; faute d’avoir saisi le juge-commissaire en constatation de la résiliation du contrat, le boulanger ne pouvait pas se prévaloir de la résiliation de plein droit du contrat lorsque le plan de sauvegarde a été arrêté.

A noter : 

Rendue sous l’empire de l’ancien article L 622-13 du Code de commerce, qui exigeait le paiement au comptant des prestations fournies au débiteur en vertu d’un contrat poursuivi, la solution est, à notre avis, transposable sous le régime actuel, où ce texte ne fait plus état d’une telle exigence.

La Cour de cassation confirme ici que la résiliation de plein droit prévue en cas de non-paiement des sommes dues pendant la période d’observation au titre d’un contrat poursuivi n’est effective qu’à la condition d’avoir été constatée par le juge-commissaire (Cass. com. 20-9-2017 n° 16-14.065). Il en est ainsi même si le contrat comporte une clause résolutoire de plein droit (même arrêt). A défaut, le contrat reste en cours nonobstant le défaut de paiement.

L’arrêt ici commenté apporte une précision nouvelle sur l’office du juge-commissaire : celui-ci doit vérifier que le défaut de paiement résulte bien d’un manque de moyens financiers. Dans le cas contraire, il s’agit d’un simple refus d’exécution du contrat de la part de l’administrateur (ou du débiteur), refus qui permet au cocontractant de mettre en œuvre la clause résolutoire ou de demander la résolution judiciaire du contrat. En effet, la créance d’impayés du cocontractant, née régulièrement après le jugement d’ouverture en contrepartie d'une prestation fournie au débiteur ne tombe pas sous le coup de l’interdiction des poursuites individuelles (C. com. art. L 622-17, I et L 622-21). En revanche, le cocontractant ne peut réclamer ni l’indemnité contractuelle de résiliation ni des dommages-intérêts pour le préjudice que lui a causé la résiliation. Cette créance doit être déclarée (art. L 622-13, I-al. 2), même si elle est née après le jugement d’ouverture (Cass. com. 24-1-2018 n° 16-14.705).

L’adoption du plan de sauvegarde ou de redressement judiciaire met fin à la période d’observation. Les contrats en cours se poursuivent alors conformément aux règles qui leur sont applicables, sauf disposition contraire du plan (Cass. com. 19-5-2015 n° 14-10.366). Le cocontractant peut donc mettre fin au contrat dans le respect des stipulations contractuelles, à moins qu'il n'ait pris l'engagement de maintenir le contrat pendant toute la durée du plan et que cet engagement soit expressément repris dans le jugement arrêtant ce plan. Le sort de l'indemnité de résiliation et les modalités de restitution du bien obéissent au droit commun et non plus aux règles des procédures collectives.